La Boîte à Mondes, telle que In Bocca al Lupo l'a conçue, tient de l'hétérotopie (voir Michel Foucault) ; seulement elle est autant un lieu qu'un objet, et lorsque l'on vous dit : « entrez dans la boîte » (c'est ce que nous vous demandons), nous ne parlons qu'à demi en métaphore. Elle pourra vous égarer si vous vous donnez cette chance, car sortir du connu de cette manière, ce sera entrer dans l'inconnu sans peur, sans danger, puisque vous y serez accueillis avec bienveillance. Vous serez devant la Boîte comme devant la malle mystérieuse qui repose dans le grenier des grands-parents, à la fois comme intimidés par tant de nouveauté, d'incongruité, d'altérité, et curieux quant à ces vestiges d'un autre temps, ou, dans notre cas, d'un hors-temps. Ce sera un jeu.
La Pièce est à la fois une fabrique de livres, de sons et d’images, d’objets à concept et de la littérature mais aussi une installation – un meuble bibliothèque circonscrit dans une structure mobile de 3m10 x 2,00m x 2,10m (« la Pièce ») et qui contiendra à termes plusieurs modules (un espace de projection, de théâtre d’ombres ou de tableau de conférence fictive ; une table de montage et de visionnage ; un poste d’écoute radiophonique, une bibliothèque, une cuisine du langage). L’ensemble constitue une Gedankenfabrik, une machine à tisser des pensées, fondée sur le fragment, la mémoire et la transmission.
L'installation de La Pièce marque un saut vers une plus haute exigence : par sa conception, sa technicité et sa coordination transdisciplinaire. La littérature y opère comme moyen de connaissance du monde, de transmission des savoirs et de partage du sensible. Elle le fait à sa manière particulière : la Pièce est « comme une sculpture pensante, où l’usager déploie une chorégraphie en interagissant avec ses multiples propositions, ses personnages colorés qui sortent des livres et font théâtre des marionnettes » jusqu’à ce qu’il puisse lui-même « inventer ses propres livres » dans le cœur même du lieu.
La chambre, le salon, la cuisine, le logement individuel c’est moi déployé dans un espace. La maison n’est pas à proprement parler le lieu de vie, ou plutôt, elle concerne une tranche de vie bien particulière : la vie intérieure. L’espace personnel se constitue à mon image. Entretenir cet espace, c’est entretenir un dialogue avec soi-même.
L’espace collectif – si l’on exclut la cellule familiale – c’est le banc de l’école, le zinc du comptoir, le bureau ou la machine, le temple ou le cabinet du médecin ; c’est la rue et c’est aussi aujourd’hui l’espace virtuel. Tous ces espaces collectifs ont des règles. Certaines sont communes à tous, d’autres sont particulières. Si le chez soi est le lieu de l’exploration du moi par dialogue avec soi-même, l’espace collectif l’est par dialogue avec les autres, par une exploration – bien qu’elle soit toujours partielle – d’autrui, chaque personne, visage et esprit, devenant de nouveaux territoires. (Nous sommes des territoires. Des cartes à tracer, des paysages à dépasser, des lignes d’horizon s’éloignant toujours.)